lundi 15 décembre 2008

deuxième thème: Partir... par Imad Dridi

Le carré blanc

Différentes histoires me passent par la tête lorsque j'essaye d'écrire sur le thème "partir", mais aucune ne veut se donner a moi entièrement : chacune me fait des flash par ci, par là, elle aurait pu être le terrain d'une excellente histoire mais après quelques lignes d'écriture , l'histoire s'arrête, elle ne sait plus où elle va, l'idée est là pourtant mais elle ne veut pas se dévoiler, ou parait soudain anodine.Partir ? Pour aller où ?L'homme fonctionnant par association d'images, pour moi la première à laquelle je pense lorsque l'on évoque le départ est le quai d'une gare avec deux personnages : un homme et une femme , l'un part et l'autre reste. Cette scène tant vue et revue mes personnages refusent de la jouer. Mes personnages sont capricieux, ils veulent jouer des scènes mais ne jouent pas leurs rôles jusqu'au bout ou lorsqu'ils jouent le font sans aucun enthousiasme. Ils deviennent ennuyeux. J'ai peu de moyens de contrôle sur eux, ils s'identifient souvent à moi ou à mes proches, mes ressortent des choses du passé que je veux plus ou moins dire. Ou que je veux dire mais qui ne pourraient intéresser que mon proche entourage. J'aimerai isoler mes personnages, l'homme et la femme qui forment mon récit, me focaliser sur eux, ne pas les noyer dans le décor dans lequel ils jouent.Mettons les dans un carré blanc, effaçons leurs traits de caractère, leur nom, leur nationalité, leur race, leur âge. Focalisons nous sur eux et sur leur départ. Qui partira ? Qui restera ? Pourquoi l'un partira t-il et l'autre restera ? Les histoires tristes intéressent plus le public, elles créent de la compassion. Ils ne peuvent donc pas partir tous les deux, à moins de les faire quitter quelque chose. Mais restons simple, restons a ces personnages et faisons qu'ils se quittent. Pourquoi se quittent-ils ? Ayant un homme et une femme il est plus simple de considérer qu'ils sont ensemble. Qui va quitter le carré blanc ? l'homme ou la femme ? étant donné que l'un restera et que l'autre partira choisissons au hasard : la femme , l'homme, l'homme , la femme, l'homme , la femme...Oui nos deux personnages sont dans un carré blanc, mais sont soumis à nos contraintes socio-culturelles, ne faisons pas trop compliqué en isolant cet aspect. Nous sommes donc dans une société patriarcale, et dans ce genre de société ce sont surtout les hommes qui partent : ils partent a la guerre, ils émigrent, ils vont travailler, même si la femme travaille de nos jours, peu d'hommes seraient fiers de rester à la maison tandis que leur femme part travailler.Histoire de ne pas succomber à nos stéréotypes, choisissons le départ de la femme.Ce départ est-ce un choix ou une contrainte ? choix , contrainte, contrainte, choix.Nous devons avancer et nous devons faire que ce départ se fasse, faisons que ce soit un choix.Pourquoi la femme a t-elle choisi de partir ? Ou pourquoi l'homme a t-il voulu que la femme parte ? L'un des deux aurait-il trompé son partenaire ? Mais avec qui puisqu'ils vivent seuls dans ce carré blanc.Quelles pourraient être les raisons d'un départ choisi ? la trahison ? la déception ? l'ennui ?L'ennui peut être une excellente chose, la femme a choisi de partir car elle s'ennuie dans ce carré blanc. Elle veut vivre dans un décor : au bord de la mer, dans le désert, en ville, sur une île, là où il y a autre chose que l'absence de décor et l'absence d'autres personnages.L'homme lui, se suffit de cette situation, dans ce carré blanc il n'a ni contraintes, ni besoins.Tout ce qu'il y a dans ce carré blanc à part nos deux personnages, c'est leurs idées individuelles, leurs idées collectives, et les sentiments qu'ils éprouvent l'un pour l'autre. Il faudrait s'interroger sur les sentiments qui les unissent. Pourquoi l'homme ne suivrait-il pas la femme dans son voyage s'il tient a elle. Pourquoi la femme ne resterait-elle pas si elle aime cet homme ?Il est possible que cet amour ne soit pas réciproque entre ces deux personnages. Il est aussi possible que cet amour n'existe pas. Peut-être s'aiment-ils et que cet amour ait disparu. Peut-être aussi qu'ils ne se sont jamais aimés et qu'ils ont plutôt choisi la facilité, vivre ensembles, plutôt que de vivre seuls.Le perdant dans cette histoire est l'homme, si la femme part, il va se retrouver seul, sans amour, du moins sans amour d'une autre personne, sans décor. Il a choisi de suivre ses idéaux et de n'avoir ni contraintes, ni besoins. Mais pourra t-il vivre seul ?

deuxième thème: Partir... par Sana Belgarch

Tout laisser tomber, abandonner l’espoir, admettre l’échec, affronter l’impasse. Après en avoir fait le tour complet, devoir faire demi-tour, retrousser ses manches puis rebrousser chemin.

Ne surtout pas me retourner. Ne surtout pas réfléchir. Couper des ponts, pour en traverser d’autres. Partir sans laisser de traces, ou plutôt sans que cela ne me laisse de trace.

Cela fait maintenant des mois que je dois franchir le pas : quitter ma vie pour en inventer une autre. En inventer ou en subir une autre... Des mois que chaque occasion de quitter se trouve mille prétextes pour rester. Que chaque goutte sensée faire déborder le vase ne fait qu’assouvir ma soif de lamentations.

Partir me dit-on, me libérera. Je me sentirais plus forte, plus indépendante, plus digne, bref, mieux.

Alors, par moments j’y crois, je prépare mon départ, je me prépare au départ, je pars dans mes préparatifs mais n’en reviens pas. Lorsque l’échéance arrive enfin, l’envie de quitter, elle, est déjà partie. Elle a emporté avec elle mes résolutions, ma lucidité, mon courage. Cette fois-ci encore, ce n’était pas la bonne. La prochaine fois, peut être…

deuxième thème: Partir... par ML

Le syndrome de Monsieur Seguin

J’ai envie de partir…
C’était juste marmonné, presque chuchoté. Il semblait n’avoir rien entendu ou, peut-être, n’avait pas voulu entendre.
Je veux partir.
Cette fois-ci, la voix était plus audible et le ton plus sec.
Je pars.
Il n y avait plus du doute.
Elle était assise, à même le sol, la tête baissée et en léger déséquilibre, caressant les joints rêches et irréguliers du carrelage avec son index, ou plutôt avec son ongle coupé à raz, comme si elle s’amusait à le limer. Lui, se tenait debout, à moins d’un mètre d’elle. De dos, son allure paraissait imposante et dominatrice. De face, ses bras croisés, son visage aux traits tirés et ses yeux incrédules et interrogateurs, trahissaient un chagrin profond et indescriptible. Son regard était posé lourdement sur elle, presque fixé à elle. Comme à chaque fois quelle était gênée, mal à l’aise ou indécise, elle malmenait bizarrement sa chevelure brune et volumineuse. Depuis qu’il l’avait rencontrée, presque dix ans auparavant, le rituel était toujours le même. Immuable. Elle commençait d’abord par masser délicatement le haut de son front de ses doigts longs et fins. Puis, elle remontait vers ses cheveux, lentement, sans aucune précipitation. On dirait qu’elle ne voulait pas les effrayer, de peur qu’ils s’échappent. Dès qu’elle les avait bien en main, ou du moins, ceux qui l’intéressent, elle entreprenait un long processus qui pouvait durer parfois plusieurs minutes : elle les cajolait tendrement, les soulevait et les rabaissait, ensuite, elle les triait un à un, les tâtait, les soupesait, peut-être, pour les jauger, pour, enfin, en choisir un, sans doute, sur des critères préétablis qu’elle était la seule à connaître. Et, une fois le cheveu sélectionné, elle l’isolait méticuleusement comme s’il elle voulait l’amadouer, avançait ses doigts délicatement jusqu’à la racine du cheveu élu, et là, d’un coup sec, elle l’arrachait nerveusement. Fin du processus. Comme toutes les fois, elle ne laissait apparaître ni douleur, ni souffrance, ni plaisir, ni jouissance. Rien. Le geste gratuit, puéril, enfantin, inutile. Infantile.
Il avait tenté à plusieurs éprises, au tout début de leur rencontre, de la dissuader de massacrer ainsi ses cheveux si beaux et si soyeux, mais, en vain. Elle s’arrêtait un court instant, pour lui faire plaisir, puis reprenait son manège destructeur, ravageur, macabre, jusqu’au bout. Jusqu’à la fin. Jusqu’à ce que mort du cheveu s’en suive.
Je pars une fois pour toutes.
Elle avait encore le « cadavre » de son cheveu tout sanguinolent dans la main. Elle le regardait, toujours tête baissée, comme une victoire dérisoire, comme un butin de guerre stupide, comme un gibier d’élevage facile, que le plus faible, le plus lâche, pouvait tuer les yeux fermés.
Elle ferma les yeux. Elle n’osait pas le regarder en face. Elle n’osait pas lever la tête.
Lui, par contre, continuait de la fixer, lourdement, comme s’il voulait, avec son simple regard, l’immobiliser définitivement. Lui même était incapable de bouger, incapable d’agir, incapable de l’interroger, incapable de la supplier, incapable de parler.
Il ne comprenait pas. Ils étaient heureux. Elle était heureuse.
Elle paraissait heureuse.
Non ! Ne pars pas ! Tu n’as pas le droit de partir. Tu es à moi. Rien qu’à moi.
Si tu pars, je te tue.
Tu es moi.
Mais aucun son ne sortit de sa bouche. Il était devenu peut-être muet. Ou, peut-être fou. D’ailleurs, il l’avait toujours aimé ecomme un fou.
Je pars là-haut. Adieu.
Ah ! C’est un rêve. Non, un cauchemar ! Alors, il ferma à son tour les yeux, ne pensant plus à rien, ne pensant plus à personne. Oubliant tout, oubliant tout le monde.
Il n y avait plus qu’elle. Et lui. Le monde n’existait plus. Le monde sans elle n’existe pas. Son monde à lui, c’était elle. Avec lui.
Non, tu ne partiras pas !
Il ouvrit les yeux.
Il n y avait que lui.
Elle était déjà partie.
Loin.
Là-haut.

deuxième thème: Partir... par YUGURTA

" Partir en fumée "

Oh comme j'envie ces gélules, suppositoires, comprimés et même tous ces suppôts supposés un jour savourer une liberté articulée hors de leur emballage de célophane !

Et quoi de plus juste en attendant l'heure de voir se déchirer les barreaux de leur cage en plastique pharmaceutique que de pouvoir lorgner le ciel, même flou, à chaque ouverture de boîte, de bouche ou d'anus ?

Moi qui suis enfermé, (que dis je ?) oublié, là depuis des lustres à récurer ma lampe de l'intérieur en nageant dans l'huile de grignon, sans témoin ni âme charitable, à en rêver du jour ou de la nuit, peu importe, où un sauveur apôtre viendra soulever le couvercle scellé par mon maître disparu et me libérer du joug de cette apostrophe éternelle.

Quid de ces rois mages ? Où sont donc passées mes viles sorcières qui quémandaient mes sévices au lucre gracieux sans commander un prompt retour et m'accordaient ces moments de luxe respirés en totale évasion ?

Des millénaires à me morfondre de revoir l'équation des étoîles sans désespérer de la venue de ces Sieurs d'une époque à la main baladeuse qui m'offriraient, une fois incommensurablement riches, de partir en fumée vers le firmament sans taxe d'essieu.

Au travers de cette paroi d'étain me cloîtrant tel l'esquimau dans son igloo, je vous suis tantôt d'un oeil tantôt de l'autre, manquant du souffle suffisant à soulever les nappes de poussière séculaire gisant dans cette arrière boutique hantée par vos reflets miroitants d'espoir derrière la lucarne de ma geôle.

Ils dirent d'Aladin qu'il fût un mythe et de ses trésors qu'ils n'existèrent point plus que ces mirobolants palais suspendus aux nuages.

Les rares partisans de la légende en raconteront les croustillantes épopées une fois promus dans cet au delà où, partis en promesse, ils tardent tant à arriver...

C'est que je comptais fermement que leurs souvenirs reviendraient d'outre tombe pour convaincre ceux là même qui doutent avant même de s'en être allés.

De mes états de détresse lancinante et de cette asphyxie sans répit ne subsiste encore quelque part que l'image de ce doux regard qu'en rêve j'aperçus me dédier mon salut.

Qui sait s'il existe vraiment sur cette Terre, cet ange qui, sans rien exiger en retour, me prendra la main le temps que je vacille dans mon envol halluciné vers le royaume des Djins et griffons?

Que quiconque puisse m'aider, j'hésite à le croire autant qu'un morceau de bois coincé dans le gésier d'une oie.

Ce sera Lui ou personne.

Et nulle incantation ne le faisant venir tout comme nulle tentation ne le ferait partir, je trépasse un instant, effaçant l'atterrante attente pour un moment de joie et d'espoir, fut il aussi futile qu'une promesse d'émeraudes et de saphirs à un parterre de tulipes en partance pour leur carafe de cristal.

deuxième thème: Partir... par Houda

Revenir

Elle faisait souvent ce rêve sournois de remonter le fleuve jusqu’à la naissance de la fontaine, à contre courant, précédant les anadromes se ruant dans une course effrénée pour se reproduire, pour qu’adviennent la vie, la création et la déchéance.

Elle voulait retrouver les sources du Cocyte, se laisser immerger par les flots des enfers, périr et se muer en une Vénus immortelle, tenter à jamais les mâles pour noyer les larmes salées et ses maux, composer des poèmes pour faire couler, en douce, les mots.

Et ses envies de vie et de mort se confondaient, divergeaient, se rejoignaient dans l’infini et faisaient de ses rêves de nuits, de ses fantasmes du jour, une fresque d’images floues, une frasque, un abîme jamais sondé, une brèche sans fond dans les tréfonds de son âme.

Et ses courses démesurées pour rattraper le temps, pour faire couler le moment présent dans le moule de la durée, se muaient en une danse langoureuse avec les loups, les chiens de chasses, les louves intrépides, les mollusques gluants, tous les parias de son Eden, jadis enchanté.

Elle trépidait de colère, grelottait de solitude, vibrait l’angoisse de l’amour, la mort et les remords, et se laissait, volontiers, emporter par les flots incohérents du hasard, l’ingénuité nigaude d’un destin sans imagination, les caprices d’une vie salace et d’un cœur qui se lasse.

Elle ne voulait plus que partir, mi-consciente, mi-aveugle, rejoindre les limbes de l’oubli, noyer le souvenir dans des marres vitreuses de spiritueux herculéens, verser ses ondes refroidies devant l’autel de la vengeance, atteindre les limites de la souffrance et perdre sa mi-conscience.

Et de ses compagnons saumons elle fit âmes compatissantes, braves amphibiotiques rabattant les houles, fidèles ascètes se vouant au culte de l’amitié du désespoir, immuables repères dans la déperdition de l’instant, de sa course effrénée, contre courant, remontant le temps, défiant les innommables mépris de la fortune.

Et de ses ires elle fit défouloirs de ses tripes congestionnées, exutoires de l’infâme appétence qu’elle avait pour les vices, les caprices, les incartades de vile essence. De ses craintes, des livres qui ne faisaient qu’approfondir son désarroi, ébranler ses certitudes, effriter le restant de ses feuilles mortes fredonnant une chanson d’automne.

Elle remonta le fleuve, partit à la recherche de cette immonde elle, la retrouva, la berça, la rassura et revint à la vie, par une nuit étoilée, sans le soupçon d’un remord, sans ses regrets vétilles et ses soupirs fortuits.

Elle partit au crépuscule et revint tout juste avant le lever du soleil.