mercredi 29 octobre 2008

premier thème: attente dans un bar... par houda

Et d'attendre...

L’ambiance est feutrée. Les lumières, un peu trop tamisées à mon gout, et la musique, à la Bouddha Bar, font que l’attente dans cette ambiance flegmatique ait quelque chose d’agaçant.
Je l’attends depuis un quart d’heure déjà, perdue dans des pensées angoissantes à l’idée que mon supplice puisse durer éternellement.
Il me fait me languir à chaque fois et toutes les fois je le retrouve avec une joie immense et un désir toujours inassouvi. J’ai tant de fois essayé me sevrer de cette appétence qu’il insuffle en moi, oublier jusqu’à son existence. Il me tient, hélas, en haleine et me fais son esclave, toujours dévouée, jamais rebelle.
Le barman me regarde du coin d’œil avec un sourire narquois et les filles, attablées seules ou avec des entremetteuses, me scrutent l’air désabusé de celles qui ne peuvent concevoir la raison de ce feu qui flamboie dans mes yeux.
Je me souviens subitement de notre première rencontre. J’avais vingt ans. Apprentie sybarite à mes heures perdues, je voulais croquer dans la vie à pleines bouchées, sucer jusqu’à son suc et la dénuder de ses masques grotesques, pour retrouver en elle la pureté du plaisir parfait. C’est là que je fis mon baptême du vice, ce seul vice d’encore et toujours courir à grande enjambées vers lui, celui là même qui me fait perdre la tête et tous mes moyens pour me jeter tête baissée, yeux ragaillardis, conscience ensevelie, dans des gouffres sans fonds.
Un bel homme s’approche de moi, m’épiant de la tête aux bouts de mes bottes coruscantes. Il s’attarde un instant sur ma bouche entrouverte, affichant une soif de ce traînard qui me fait tant espérer, une avidité que je ne saurais receler, car apparente jusqu’au dans le tremblement de mes lèvres à la seule idée de caresser enfin son souffle brûlant.
L’homme pose ensuite ses beaux yeux azurs sur mon décolleté désobligeant, défiant les regards intrépides et les envies incommensurables, de palper, toucher, téter, de tous ces hommes dégustant leurs spiritueux avec un dédain et une gratitude mélangés.
Il fait mine de vouloir prononcer un mot, peut être un compliment, probablement une avance. Il se sauve au moment ultime quand il comprend, par je ne sais quelle clémence de son destin, que toute tentative échouera sur l’île indélébile de mes refus entassés depuis l’aube des temps. Les hommes, je ne les aime que peu ou prou.
Une querelle étouffée se déclenche entre une jeune femme parée d’or et d’un rictus exécrable qui fait office de sourire forcé et son affable compagnon dont la tristesse vraisemblable le voile d’une aura vert émeraude. Ils se chamaillent pour des futilités, des vétilles qui font le quotidien et défont le grand lit du fleuve qui coule en assommant nos grains de résistance. Elle fini par laisser s’échapper une larme de circonstance et lui par embrasser son coude. Leurs rires sonores reprennent de plus belle comme revivifiées par quelques colères enfouies.
Le temps passe, lentement, douloureusement, dans l’attente de l’objet de tous mes désirs, le désir de tous mes délires.
Un autre regard de désespoir lancé promptement au barman et je recommence à scruter les visages, absente, lointaine, m’égarant sur les tumultueux chemins des souvenirs.
Il y a dix ans que je le pris pour la première fois, corps et âme, m’enivrant au seul relent de ses effluences, me délectant à satiété de sa compagnie…me perdant à jamais en lui et lui en moi se dissipant.
Je me souviens de ces journées léthargiques à l’université à graver son nom sur mes cahiers d’étudiante, sur les écorches des arbres aux nuits de pleine lune, sur les copies d’examens que je ne réussis jamais. Je voulais le marquer au sang dans ma mémoire, au fer dans mon cœur, tel que jamais rien ni personne ne puisse me le faire oublier.
Et je ne l’oublie jamais. Quand il n’est pas entre mes mains, il est le roi de toutes mes réflexions, le seigneur incontesté d’une vie toute à son honneur consacrée.
J’ai adulé d’autres, beaucoup d’autres, sans jamais vraiment les aimer, les adorer. Après tant d’années, dans ses jupons accrochés, je sais aujourd’hui que je n’aime que lui.
Lui, mon verre de Whisky…

1 commentaire:

Yugurta a dit…

Quel chanceux ce verre étreint de ta verve, atteint de passion et qui s'éteind de plaisir à chaque rasade... !