mercredi 29 octobre 2008

premier thème: attente dans un bar... par Yugurta

Lové dans la tiède moiteur de cette barrique oubliée au fond de la salle, avec le temps, il était passé maître dans l'art de discerner les jeux de jambes au travers de ces fissures complices, d'évaluer les appels sous les tables et d'imaginer ces convives chahutant ceints de ces pestilentiels relents de moules frites.

Tapi dans l'ombre d'un recoin, je l'observais depuis belle lurette, facsiné par ce chat vénérable tout droit sorti d'un camp de romanichels.

A chacune de mes virées vers ce lieu de perdition, je prenais soin de n'en rien laisser voir pour mieux apprécier ses indiscrétions trahies par les mouvements de sa queue dans l'obscurité de l'entonnoir.

Chaque soir, dolamment, il agrémentait ainsi son accoutumée atmosphère de bouteilles de bière brune, mate ou ambrée, blonde halée pétillante de mousse qui ne se lassaient jamais de se disputer l'espace entre les couverts.

Je me souviens de cette si belle époque où l'aubergiste bécotait encore sa gitane d'épouse sur le comptoir à la moindre occasion, avant qu'elle ne prenne la poudre d'escampette un soir sans avertir, laissant son félin tenir lieu de souvenir griffu.

C'est là que diffus il se mit aux gauloises et que la taverne fit confusément naufrage dans les volûtes de fumée de tabac noir.

Depuis, le matou ne désespère pas de la revoir entrer par la porte du saloon, perchée du haut de son mètre 90 sur ses talons aiguilles incroyablement silencieux.

Probablement que seul cet espoir de réintrusion de sa maîtresse volatile a maintenu en vie ce compagnon d'infortune à présent impitoyablement pourchassé par la nouvelle amante du gargottier, une ex habituée des lieux allergique à tout sauf aux espèces sonnantes et trébuchantes.

De temps à autre et sous l'effet des vapeurs éthérées de mon imagination, je traçais des plans sur la comète en espèrant la fin du calvaire de ce pilier de bar si poilu qu'aucun client ne s'en sortait indemne.

Alors que les avant dernières savates se traînaient vers la sortie, je savais que nul ne la remplacerait à ses yeux que je devinais phosphorescents derrière les planches.

En fait, nul n'existait vraiment pour lui, si invisible que son indifférence restait furtive.

Même ces odeurs répugnantes, qui s'échappaient en trombes de l'arrière salle où étaient entreposées les moules sèches, le laissaient de marbre.

Attendre...
Tel était le destin choisi...
Par fidèlité plus que par espoir.

5 commentaires:

Unknown a dit…

Humm... Quel délice

Fedwa a dit…

c impressionnant comme yug peut écrire clairement des fois :))

Chess a dit…

Ce billet est comme un ticket pour un long voyage année 70 dans un saloon feutré en noir & blanc avec ce gracieux félin comme star, en tous cas, à lui la belle vie !!

MG a dit…

Que c'est triste Venise sans ses marais menacantes , ses moustiques et ses lunes de miel!

Yugurta a dit…

Yug relit encore et encore ce Guy... Avec un tel plaisir renouvelé qu'une lampe rouge se met à clignoter quelque part au centre de la toîle d'araignée qui me tient lieu de méninges au sens propre... D'où donc ce "préposé à la billeterie de nuit" puise t-"il" ces "trucs" ?
Nul ne le sait... Honnêtement, pas même l'auteur de ces mots marionettistes...